Atelier Voix Chantée n°12
L'aphonie ou le fantôme de l'opéra : Ecoute plurielle et regard croisés sur les risques d'altération de la voix
Intervenante :
Claire Gillie, docteur en anthropologie psychanalytique, chercheur,
enseignante dans le supérieur, musicologue et musicienne (pianiste et
organiste), psychanalyste
Date :
19/05/09
Présents : Charles Besnainou, Marie-Cécile Barras, Boris Doval, Claire Gillie, Sylvain Lamesch, Amélie Pavard, Lucie Notin, Bernard Roubeau, Boris Terk.nbsp;
Résumé :
Le geste vocal peut se perdre dans les arcanes du corps ; le flux vocal
vient alors se heurter aux écluses charnelles qui ne parviennent plus à
le réguler, provoquant débordement ou tarissement vocal. Violentée par
le symptôme, retenue en otage par le corps, la voix vient alors à
manquer, rendant stérile le geste vocal, creusant un trou dans le chant
(ou dans le discours) qui risque de manquer son destinataire : l’autre.
C’est mise à l’épreuve du corps, mais aussi du lien social et de
l’inconscient, que la voix « passe » ou « casse ».
Car l’inconscient a plus d’un tour dans son sac pour venir joindre sa
voix à celle du chanteur, le faisant passer de l’offrande musicale, au
sacrifice d’une voix qui porte la trace audible de blessures. Mais il a
également plus d’un tour dans son sac pour que l’oreille se fasse
sourde à ce grain de « scelle » qui vient scarifier, et même obturer
l’émergence vocale.
Ce spectre de la panne vocale, ou d’une grève vocale faisant irruption
sans pré-avis, hante le chanteur. L’aphonie, la peur de « perdre sa
voix » (sa voix ? laquelle ? où l’avez-vous posée la dernière fois que
vous l’avez utilisée ? …) est ce fantôme indésirable qui s’invite sur
la scène lyrique, mais aussi sur bien d’autres scènes. La psychanalyse,
depuis 60 ans, s’est mise à l’écoute de cette voix dans sa dimension
pulsionnelle (et non pas exclusivement sonore) et structurelle,
introduisant le concept de « pulsion invocante ». C’est elle que nous
tenterons de faire entendre ce jour.
Car c’est bien parce que la voix est jouissance, qu’elle se fait «
provocante », donc perturbatrice de l’ordre social et que ce dernier
riposte sous forme de régulation de cette jouissance. Les productions
culturelles en portent les traces. Plutôt qu’à en laisser paraître les
stigmates, la Kultur met en scène ce « manque parmi d’autres », que
vient creuser la voix dans le corps organique comme dans le corps
social.
Il s’agira donc ici d’interroger ce destin d’une voix qui pourrait
manquer à l’appel de soi et de l’autre, à la lumière de savoirs croisés
qui puissent prendre la mesure de cette plainte, et aiguiser l’écoute
qui pourrait en être faite. A travers quelques « vignettes musicales »
et cliniques, nous évoquerons donc ces instants où la voix déserte le
flux sonore et joue à quitte ou double avec la survie vocale.
Une réflexion plus développée de Claire Gillie intitulée "De l'aphonie comme «a»phonie, de la voix perdue comme objet perdu" est disponible ici.